« On se sent moins seuls à partager l’envie que le monde de la financiarisation change »

Entretien réalisé en juin 2023


Nous sommes allés interroger Barbara Giorgis, éleveuse de cochons et de moutons à la ferme du Troglo de Plouezoc'h, et membre du réseau Buzuk depuis 4 ans.
Crédit photo: Photo Sophie Guillerm/Le Télégramme.

Bonjour Barbara, et merci de nous accorder un peu de ton temps. Pourrais-tu nous présenter ton activité ?

Barbara Giorgis : « Je suis installée comme agricultrice à Plouezoc’h depuis 2019, avec mon compagnon Léo Parrel. Nous élevons des cochons et des moutons. La particularité de notre élevage : il s’agit de races anciennes et de conservation, et non pas de races dites « standard ». Les cochons et les moutons sont élevés en plein air, pour préserver la biodiversité domestique, mise à mal par l’agriculture industrielle et la recherche de rentabilité maximale. Ce sont des races anciennes, rustiques, peu malades (donc peu de médicaments) et dont la croissance est plus lente. C’est un choix exigeant, car ces races demandent plus de temps d’élevage. Par contre, on gagne en saveur : la viande « prend son temps », elle est plus ferme, avec moins de capacité de rétention d’eau. »

Et vous n’êtes pas seulement éleveurs...

Barbara Giorgis : « Oui nous sommes producteurs et nous nous occupons aussi de la vente à la ferme. Nous avons choisi de ne pas avoir de production destinée à la grande distribution.
La vente directe en circuit-court remplit deux objectifs : 

• Pas plus de deux intermédiaires entre le producteur et le consommateur

• Une vente dans un périmètre de moins de 80 km

La grande majorité de la vente se fait donc au détail ou en colis. Nous vendons aussi notre viande à quelques professionnels (restaurateurs locaux et épiceries de proximité) qui souhaitent se démarquer avec des produits locaux de qualité. »

Quelle chance d’avoir la Ferme du Troglo sur notre territoire ! D’ailleurs pourquoi avez-vous choisi de rejoindre le réseau Buzuk ?

Barbara Giorgis : « Je connaissais déjà le Buzuk et m’étais renseignée au moment de son lancement, en 2016. Donc au moment de notre installation, nous avons naturellement contacté l’association.
C’était une évidence car nous partageons les mêmes valeurs que véhiculent la monnaie locale complémentaire. En privé, nous sommes déjà dans une démarche tournée vers les commerces de proximité. Le Buzuk permet de favoriser les circuits-courts au maximum. L’idée d’une « sortie de la spéculation » nous interroge depuis longtemps, et l’utilité du Buzuk réside aussi dans la réflexion qu’il soulève sur la financiarisation de notre société. Le lien social qui se crée entre les producteurs et les clients est également une valeur importante pour nous. Ces échanges rapprochent et construisent sans doute une clientèle plus fidèle. »

Et en pratique, comment ça se passe ?

Barbara Giorgis : « Nous encaissons des buzuks toutes les semaines : à la vente à la ferme, le vendredi de 17h à 19h, et au marché de Morlaix, le samedi. Pour les faire circuler sur le territoire, ils viennent constituer une partie de nos salaires et servent ensuite à notre consommation familiale. Nous ne sommes pas très dépensiers et l’essentiel de nos courses se fait en buzuks (librairie Les Déferlantes, cave les Vins O Mur, Biocoop). Aussi, entre professionnels du réseau, lorsque je vais livrer les épiceries de proximité, j’essaie d’inciter les commerçants à régler leurs factures en monnaie locale. 
Ce que j’aime bien quand on utilise le Buzuk, c’est qu’il allège le rapport à l’argent. Au moment de payer, on se dit qu’on fait partie d’un réseau et qu’on doit être en phase avec les idées et valeurs des commerçants et clients qui se les échangent entre eux. Et ça fait du bien ! On se sent moins seuls à partager l’envie que le monde de la financiarisation change. En plus, les billets sont très jolis, ça participe à amener un peu de légèreté dans le paiement. »

Tu es donc satisfaite de cette démarche de monnaie locale complémentaire ?

Barbara Giorgis : « Oui, et du coup j’en parle autour de moi. Ca a donné envie à des gens. Après, les réponses sont contrastées : soit ça intéresse, soit pas du tout ! Je n’essaie pas de convaincre les clients si je vois que ça ne leur parle pas trop. On parle d’autre chose. On le suggère aussi aux collègues du marché. Certains professionnels veulent bien prendre des buzuks mais ne veulent pas adhérer… Plus il y aura de clients à demander si on peut payer en Buzuk, plus les commerçants se diront « Ha ouais, quand même ! » C’est ensemble qu’on pourra faire avancer les choses ! »

Merci Beaucoup à Barbara pour ce témoignage. 
N'hésitez pas à découvrir la Ferme du Troglo via leur site web, ou en allant à leur rencontre sur les marchés du Troglo et de Morlaix !