« Tous nos achats, nos revenus, nos prêts immobiliers, etc. Les salaires et dépenses de toutes nos vies se résument à 2 % des échanges monétaires »

Entretien réalisé en octobre 2022


Fin 2022, Nicolas fête son premier anniversaire en tant que salarié de l’association. Il revient sur son parcours atypique des dernières années.

C’est il y a huit ans, dans la salle des marchés d’une banque française bien connue, à la City de Londres, qu’a eu lieu sa prise de conscience. Assistant ses collègues traders, «jusqu’à 90 heures par semaine», il travaille à spéculer des centaines de millions d’euros. «Les relations y sont extrêmement concurrentielles et dopées à la testostérone». Nicolas gagne bien sa vie rapidement, «la réussite sociale telle que notre société la conçoit est fulgurante».

Mais au bout de trois années, il décide de renoncer à ce choix de vie : «quelque chose n’allait pas, ça me rongeait de l’intérieur… Il m’a fallu sortir de ma construction sociale pour enfin réaliser à quel point ce milieu était destructeur». Un trader, à défaut d’avoir un métier jugé comme essentiel, peut rapidement gagner 10 fois plus qu’un chirurgien en fin de carrière. «La finance de marché est en totale déconnexion avec la vie réelle, elle est aveugle de ses propres conséquences sur le quotidien de nos sociétés». Pour imager cela, un chiffre résonne : «tous nos achats, nos revenus, nos prêts immobiliers, etc. Les salaires et dépenses de toutes nos vies se résument à 2 % des échanges monétaires. Tout le reste n’est composé que d’actions, d’obligations et autres produits financiers».

«J’ai intimement intégré à quel point les banques étaient hors-sol ; notre économie n’a d’ailleurs jamais pris en compte dans ses modèles les limites physiques de notre planète»

Il prend alors la décision de «bifurquer», laissant derrière lui ses anciens rêves, la City de Londres et les «attentes familiales». Il rencontre sa future femme à Paris, une morlaisienne, éducatrice spécialisée «qui venait en aide aux mineurs isolés à la rue. Elle m’a beaucoup aidée quand j’étais perdu, tout en me confrontant à mes privilèges».

Depuis quatre ans, Nicolas estime avoir «choisi un long chemin introspectif» qui l’a amené à retourner sur les bancs de l’école pour obtenir le diplôme du tout premier Master au monde dédié à la Décroissance, «une expérience académique qui m’a complètement chamboulé».

Il a choisi de venir «fonder une famille» à Morlaix il y a trois ans, après avoir été «séduit par ce territoire ouvert sur la mer et sur l’humain».

Désormais salarié à la monnaie locale depuis septembre 2021, il «valorise le temps plutôt que l’argent» et les relations humaines ; «je m’épanouis dans cet écosystème local pour faire société autrement».

Il souhaite œuvrer à démocratiser cet outil «très prometteur» que représentent les monnaies locales, source d’éducation à la consommation et de reprise en main de notre économie. Consommer mieux avec des revenus modestes, «c’est tout à fait possible, j’en fais de mon côté l’expérience tous les jours dans ma vie personnelle. Il faut pouvoir dégager du temps et s’informer pour réussir à sortir de sa propre surconsommation. Toutes les dépenses superflues économisées me permettent de pouvoir consommer des produits plus locaux, éthiques et de meilleure qualité». C’est à la recherche de cette «cohérence entre vie personnelle et professionnelle» qu’il trouve un nouvel équilibre.

Pour toute information, vous pouvez contacter Nicolas le lundi, mardi, jeudi et vendredi au 06 42 99 80 19.